LE CORPS DES SOURD DANS LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU XXe SIÈCLE
Resumen
L'histoire des sourds et de la langue des signes au XXe siècle en France est étroitement liée à l'évolution de la société française,
et notamment de son adhésion à l'idée de progrès telle qu'elle est conceptualisée au XIXe siècle et telle qu'elle se trouve
modifiée après 1945. Après le congrès de Milan de 1880, le gouvernement français décide de réformer l'éducation des sourds
et de proscrire la langue des signes des établissements scolaires. Désormais, les sourds sont éduqués avec la méthode orale
« pure », c'est-à-dire qu'on les instruits à la parole par la parole. Tous les apprentissages sont dispensés par la parole et toute
utilisation de la langue des signes est interdite, que ce soit dans les salles de classes prioritairement, mais également – en
théorie du moins – dans la cour, les couloirs et les dortoirs. Dès lors, les corps des sourds sont soumis à des comportements
coercitifs et punitifs de la part des médecins et des pédagogues dans le but de parvenir à les faire accéder au français oral,
pour leur bien contre leur gré. Cependant, la langue des signes étant l'une des deux déclinaisons de la faculté humaine de
langage (l'autre déclinaison étant la langue vocale), nul ne peut empêcher un être humain de communiquer malgré tout. La
langue des signes continue donc d'exister et elle trouve à s'épanouir sur d'autres terrains, tels les terrains de sport où les
sourds devenus adultes discutent en toute liberté. C'est grâce à cette survivance clandestine de la langue des signes que les
sourds sont en mesure de s'émanciper dans les années 1970 et de revendiquer l'égalité avec les entendants par une utilisation
sans contrainte de leur langue naturelle. Aujourd'hui, pris entre une meilleure acceptation sociale de leur état naturel et la
persistance d'une vision médicale correctrice de la surdité, les sourds se trouvent dans une situation instable qui porte la
marque de son histoire.